ZOOM SUR L’INTRODUCTION
C’est le moment du premier contact avec le lecteur. C’est le moment de la « première impression » qu’on va donner à ce lecteur. C’est donc un moment crucial. Il ne faut absolument pas rater cette rencontre en donnant d’emblée une mauvaise image de soi. Il faut, au contraire, charmer par la simplicité, le bon sens et attiser la curiosité : cela nous permettra de déclencher une attention à l’égard de notre propos ; le but du jeu étant, par la suite, de faire en sorte que jamais l’esprit du lecteur ne décroche ni ne s’égare.
L’introduction est nécessaire et même indispensable pour le bon déroulé de la suite (développement et conclusion). Elle a une fonction stratégique. Dans la logique du cheminement de la réflexion, elle est le moment où on construit le problème fondamental à partir duquel la pensée va pouvoir cheminer vers sa cible : la solution en conclusion
– Il ne s’agit pas de paraphraser et répéter purement et simplement le sujet.
– Il ne s’agit pas non plus de se contenter d’une phrase bateau et passe-partout.
– Il faut poser le problème soulevé par le sujet.
Le problème ne figure pas en toutes lettres dans l’énoncé du sujet : il faut donc le construire. Quand le sujet est posé sous forme de question, cela ne signifie pas pour autant que le problème tient dans la question telle qu’elle est formulée ; autrement dit, quand on est face au sujet, on n’est pas encore face au problème : il s’agit de construire le problème qui est derrière le sujet. Dans le cas d’un sujet-question : c’est la question elle-même qui pose problème et, encore une fois, il faut d’abord construire ce problème. Ensuite le problème doit suggérer une stratégie de réflexion dans la recherche.
Inutile d’énoncer tous les problèmes soulevés par le sujet : il vaut mieux finir par en poser un et un seul, celui qui les rassemble tous, à savoir : la fameuse « problématique ». Vous aurez, au moment de la conclusion, à répondre de manière précise au problème unique posé par le sujet.
Citons tout d’abord les cinq étapes d’une introduction :
Amener le lecteur au sujet
Faire éclater le sujet en diverses questions (deux ou trois)
Rassembler cette multiplicité éclatée en une interrogation fondamentale unifiée : la problématique
Intérêt / enjeux du sujet
Esquisse de la première partie ou annonce « intelligente » des moments du développement.
Nb : « intelligente » au sens où il faut « laisser du suspens », sinon ce n’est pas la peine d’aller plus loin puisque tout est déjà dit !
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Amener le lecteur au sujet
Faire une dissertation est un exercice de style très particulier, il faut le concéder. Cela se remarque dès le départ lorsqu’on est confronté aux exigences propres à l’introduction.
Une introduction est là pour introduire la suite du propos. Elle est là aussi pour introduire son lecteur dans un univers où il va y avoir un développement avec des parties et une conclusion. Il s’agit donc de mettre celui qui nous lit en état de s’introduire avec plaisir dans un propos qui commence à se déployer. Il faut donc tout faire pour cela car le sujet n’intéresse pas forcément notre lecteur en tant que tel tant qu’on n’a pas déplié le sens de ce sujet.
Il faut arriver à faire en sorte que n’importe qui soit attiré, intéressé par ce qu’on est en train de commencer à raconter. Il faut donc faire simple : faire compliqué, d’entrée de jeu, signifierait se priver déjà de tout un ensemble de lecteurs potentiels. Il faut faire en sorte que le lecteur trouve tout de suite ses repères dans le monde de pensée au sein duquel on veut le faire entrer. Il faut que le lecteur, en nous lisant, se sente comme chez lui, dans un monde vécu qui est le sien.
D’où l’importance, primordiale, de la première phrase : il faut qu’elle soit simple, sans être bateau, et que le lecteur prenne plaisir à s’y engager, comme on peut prendre plaisir à traverser une passerelle qui nous mène à nous engager dans la découverte d’un monde ayant attiré notre curiosité. Imaginez cette jolie passerelle de tel trois mâts de Brest 2008 : il s’agit de passer de ce quai où vous êtes à ce monde fabuleux de marins ou de pirates. La passerelle est jolie : vous vous laissez tenter. Il en va de même avec la (ou les) première(s) phrase(s) de l’introduction : ce début doit être joli, agréable ; il doit donner au lecteur l’envie de se laisser tenter, de passer de l’autre côté, dans le monde de la dissertation où plein de choses qui le concernent vont se jouer. Il faut donc que le lecteur soit mis rapidement dans l’état d’esprit de se laisser tenter par ce qui est annonciateur d’un certain plaisir.
Pour cela, il faut absolument qu’il se sente concerné d’entrée de jeu, après lecture de la première phrase. Avant de le captiver par le propos, il faut capter l’attention du lecteur potentiel, de tout lecteur potentiel et capturer son esprit, le temps d’un voyage à travers les mots. Tout compte, de cette première phrase à la dernière, pour que le lecteur lève la tête après lecture et se dise : j’ai passé un agréable moment.
Comme bien souvent, il faut d’abord être passionné soi-même pour envisager de passionner autrui. Pour se convaincre de cela, il n’est qu’à songer, inversement, à l’ennui que génère chez son interlocuteur celui qui raconte quelque chose aux autres sans passion, sans ferveur.
Aucun sujet n’est passionnant ou ennuyeux en lui-même : il ne l’est qu’à proportion de l’intérêt que nous lui portons. Le sujet est ce que nous en faisons : de nous dépend le fait d’en faire quelque chose d’ennuyeux comme quelque chose de passionnant.
Soyez passionné ! Ecrivez avec passion et le sujet sera passionnant. Si vous faîtes quelque chose de passionné et donc de passionnant, le lecteur finira passionné par ce que vous racontez.
Sans doute convient-il de partir avec un principe en tête qui peut être formulé de la façon suivante : nous ne sommes jamais plus intéressés que par ce qui nous concerne. Le but du jeu, une fois qu’on sait cela, est dès lors le suivant : il faut faire en sorte que le lecteur – comme nous-mêmes – se sente complètement concerné par le sujet. L’intérêt porté par le lecteur au propos en découlera tout naturellement.
Faire éclater le sujet en diverses questions (deux ou trois)
Dans la première étape, il s’agissait d’attirer l’attention du lecteur. Dans cette seconde étape, il s’agit de commencer à s’interroger avec lui. Par ces interrogations, qui doivent prendre la forme d’un étonnement devant certaines particularités, doit surgir un problème et un seul : celui qu’il faudra traiter. A ce stade, on souligne l’importance qu’il y a à s’interroger sur certaines choses. Ce faisant, on est en train d’assurer les fondations : on met en place ce sur quoi le problème, qui ne va pas tarder à être énoncé, se construit, c’est-à-dire un ensemble de questions.
Notons que ces questions par lesquelles on fait « éclater » le sujet ne sont pas n’importe quelles questions prises au hasard ou au petit bonheur la chance : il s’agit de questions qui s’imposent en vertu de la nature même du sujet (sujet qui peut être : une question, un couple ou un ensemble de notions, une citation, un court passage tiré de l’ouvrage d’un auteur). Ces questions, qui viennent de nous, sont destinées à nous acheminer au-delà de la simple apparence du sujet vers le problème fondamental à traiter.
Rassembler cette multiplicité éclatée en une interrogation fondamentale unifiée : la problématique
La « problématique » est, justement, le problème fondamental – prenant la forme d’une question – qui se cache derrière le sujet tel qu’il est formulé : comme se cache derrière une bogue épineuse une châtaigne ou un marron qu’on peut avoir plaisir à déguster une fois qu’on a « fait éclater » la bogue et « décortiqué » la châtaigne, le marron.
Il s’agit dans la première étape de poser ce problème, au regard de tous, sous la forme d’une question qui sera la question fondamentale et l’unique question à laquelle il convient que soit apportée une réponse en conclusion du devoir.
C’est à la lumière de cette question fondamentale qu’il s’agira d’avancer tout au long du devoir : elle est pour ainsi dire notre boussole, elle nous permet de nous orienter sans jamais perdre de vue l’objectif de notre destination, lequel tient tout entier dans une réponse à apporter à cette question qu’est « la problématique ».
En bref : vous avez dès à présent votre cible. Il ne faut plus la perdre de vue : c’est la réponse à la question initiale (problématique), c’est la solution au problème initialement posé.
Intérêt / enjeux du sujet
D’une façon ou d’une autre il est important de mettre en avant l’intérêt que revêt le fait de s’interroger sur le problème précis qu’on vient de faire émerger. De même, le mieux est d’indiquer de façon subtile ce qui est en jeu (enjeux) en précisant bien ce qu’on pourrait rater en ne prenant pas au sérieux le problème en question et en ne cherchant pas de solution au problème en question.
Esquisse de la première partie ou annonce « intelligente » des moments du développement.
Il est possible – de façon classique – d’annoncer les moments par lesquels on va passer dans le développement.
Il est également possible, pour ceux qui préfèrent cette option, d’annoncer simplement ce qui va se jouer très logiquement dans une première partie après ce qui vient d’être dit dans le cours de l’introduction.